Roger SIDOKPOHOU

Originaire du Bénin, diplômé de troisième cycle en Droit par l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien élève du Centre des Hautes Études d’Assurances de Paris, Roger Sidokpohou est assureur et écrivain. Après 23 ans passés en Afrique, 23 ans en France, 23 ans au Brésil, il vit désormais à Cotonou.

PUBLICATIONS

1950, les années lumière

Nouveauté - Prix : 16 € ACHETER
Broché : 148 pages - ISBN : 978-2-35572-215-8 - Format : 13,5 x 21,5 cm

Le livre : Ce roman est une invitation au voyage, un voyage inédit en Afrique, l’Afrique des « Années-Lumière », si loin et si proche par ses valeurs, ses interrogations et ses personnages nourris d’humanité. Récit plein de poésie, c’est avant tout une histoire d’amour et de fraternité, un hymne à la Femme et à l’Afrique qui « vous prend, vous happe et ne vous lâche plus ; cet ailleurs-là aura ouvert en vous une brèche sur l’autre, aussi irrésistiblement attirant qu’inaccessible : l’Afrique est le point culminant de notre quête d’universel ».

12 questions à

ROGER SIDOKPOHOU

« Le roman est le genre littéraire qui m´offre, à travers une fiction, la liberté de dire et de faire dire... »

Pourquoi écrivez-vous ?
Par désir avant tout, par nécessité quelquefois, par passion toujours. Mais ce rapport que j'ai aujourd'hui avec l'écriture relève, en réalité, d'une injonction ancienne, puisée dans La Parabole des talents, lorsque j'ai eu compris que nous avons tous, au moins un talent, quelles que soient nos origines ethniques, sociales, ou géographiques : le talent est la chose au monde la mieux partagée et la plus diversifiée. Reste à chacun de sentir le sien, de le déceler, de l'aimer et surtout, de le travailler, faute de quoi il reste enfoui, tombe en jachère, comme un champ non cultivé.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?
La vie, la mienne comme celle des autres, la vie des gens, les gens d'ici ou d'ailleurs (cf Les Mutants, Éditions Acoria, 2014), les gens d'hier, ceux qui nous disent que non, notre mémoire n'est pas restée au fond des cales des bateaux négriers, et qui savent de plus en plus revenir nous la conter, à l'ombre de « l'Arbre du retour », l'arbre de la réconciliation entre hier et aujourd'hui (cf Nuit de mémoire, Éditions l'Harmattan, 2009).
Et puis la Nature bien sûr, la grande prêtresse de l'Univers, la vraie muse des romanciers,
Deus sive Natura, pour emprunter au concept spinozien. L'inspiration nous entoure, en tous lieux et en tout temps, elle ne tombe pas du ciel, elle est immanente. Le reste est question de conscience, de regard, et d'acceptation de ce qui peut nous être donné à voir, à sentir, ou à vivre, avec l'obligation morale d'en témoigner.

Votre écriture a-t-elle été influencée par d'autres auteurs ?
Mon désir d'écriture oui, sans aucun doute. On est toujours aspiré et inspiré par ses aînés, et tout à fait naturellement, j'ai d'abord été nourri des romans de certains de nos aînés. De Cheikh Hamidou Kane (L'aventure ambiguë) à Chinua Achebe (Le monde s’effondre) en passant par mon compatriote Olympe Bhêly-Quenum (L'Initié), tous ont eu l'irremplaçable mérite de donner à la jeunesse africaine l'envie de lire et, pour certains, dont je suis, celle d'écrire. Cela étant, un romancier sort rarement indemne des lectures qui ont immédiatement précédées sa prise de plume. Par effet d'imprégnation, on y retrouve toujours quelques traces, comme un hommage à ce qu'il a aimé des auteurs qui ne sont pas lui, mais qui ont réussi à ouvrir en lui une lucarne sur d'autres lumières du monde. C'est le cas, pour ce qui me concerne, de l'écrivain d'origine hongroise, Sándor Márai (Les Braises, Divorce à Buda, L'héritage d'Esther), grand romancier de l'Empire austro-hongrois. En fermant chacun de ses romans, il m'est toujours resté, au-delà de la trame du récit, deux choses, comme deux injonctions littéraires. La première est dans le « faire voir ce que l’on écrit », comme si l’écrit et l’image étaient deux figures indissociables du romanesque. Quant à la deuxième, on en trouve l'illustration dans mon roman Le Griot (Éditions Acoria 2007) : « Lorsque le marché ferme ses portes, les comptes se règlent ».

Où écrivez-vous et à quel moment de la journée ?
J'écris partout. Je vis l'inspiration à la fois comme un cadeau et une injonction et j’essaie de m'y plier. Pas toujours facile. Il y faut de la discipline, de la soumission même. Mais je me rends compte que ma tentative de réponse à votre question relève de l'audace, face à celle qu'a pu livrer Alexandre Dumas, l'Afro-Descendant, dans mon roman « Nuit de mémoire » (p. 98-102), devant un parterre d'intellectuels afro-descendants, tous revenus à « Midjalé », le pays du pardon et de la réconciliation, dans le golfe du Bénin, pour dénouer le nœud de la mémoire de leurs ancêtres, à l'ombre de « L'Arbre de l'oubli ».

Combien de temps consacrez-vous à l'écriture ?
C'est très variable. Je fais partie de cette grande catégorie d'écrivains qui partagent leur temps entre un métier nourricier (Assureur et consultant en Management… pour ce qui me concerne), et un métier de devoir et de passion, l'écriture. Alors forcément, la disponibilité à l'une est à l'étiage des contraintes de l'autre.


Travaillez-vous sur ordinateur ou sur papier ?
Je suis de la « génération papier », définitivement ! Ce qui ne m'empêche pas de faire bon ménage avec les nouvelles technologies, par la force des choses. Mais tous mes ouvrages ont d'abord été écrits à la « plume », avec leurs ratures, leurs corrections, leurs imperfections de pensées qui me montrent ma propre progression vers une pensée plus aboutie.

Improvisez-vous au fil de l'histoire ou connaissez-vous la fin avant d'écrire ?
Deux choses me guident, qui relèvent de ma culture. La première, c'est que le chemin du village n'est pas le village : mais il reste le chemin, et on peut tout y rencontrer… chemin faisant ! La deuxième, c'est que l'arrivée au village, qui symbolise la fin du chemin, est toujours une découverte, une nouvelle renaissance ! Ainsi en va-t-il du roman.

Combien de temps passez-vous à écrire un livre ?
Cela dépend de ma disponibilité du moment, bien sûr, et de cet arbitrage que j'évoquais plus haut entre le nourricier, parfois prégnant, et l'urgence de l´écriture. Mais je dirais entre trois et six mois, en fonction des recherches que j'ai à faire pour conduire mon projet. À titre d'illustration, j´ai mis beaucoup plus de temps à « accoucher » de Nuit de mémoire, sans doute parce qu'il interpellait le Béninois que je suis, installé au Brésil depuis de nombreuses années, entouré d'Afro-Descendants, et chargé de conduire, fictionnellement, les Afro-Descendants des Amériques et des Caraïbes, vers la reconquête de leur mémoire, là-bas, dans un pays que je connais bien, et qui est profondément mien.

Quel est votre genre littéraire préféré ? Pourquoi ?
Le roman est le genre littéraire qui m'offre, à travers une fiction, la liberté de dire et de faire dire, au risque de déplaire ou de ne pas correspondre à ce qui est convenu : c'est un plaisir incommensurable, à mes yeux !

Quels sont les bons et les mauvais côtés du métier d'auteur ?
Lorsqu'on est en période d'écriture, on est plus ou moins absent aux autres, tous les auteurs le savent : on est au couvent ! Tel est le prétendu mauvais côté de l'écrivain qui donne à son entourage immédiat, le sentiment de s'enfermer dans sa bulle. Mais quand il en sort avec le sentiment d'avoir taillé son encoche sur le rocher de l'univers, observez son regard : il est brillant de bonheur, tel celui qui a eu accès aux étoiles et en est revenu, les éclats plein les yeux. Il est alors prêt à tout donner, de gratitude.

Quel regard posez-vous, rétrospectivement, sur l'ensemble de votre œuvre ?
Dans le pays d'où je viens, le Bénin, un proverbe nous dit ceci : « Si tu n'apprécies pas ta propre cuisine, c'est que tu n'y as pas mis suffisamment d’amour ». J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire mes livres, et j'espère y avoir mis suffisamment d’amour. Au lecteur d’en juger !

Avez-vous d'autres passions que l´écriture ?
Le sport en général, et comme beaucoup d'Africains, le football en particulier : ne dites jamais du mal de l'OM ni des Écureuils du Bénin !!! (Rires) Cela dit, la musique reste pour moi l'autre grande affaire. Toutes les musiques du monde, avec une prédilection, depuis ma tendre enfance, pour la musique afro-cubaine, sans doute parce qu´elle est le témoin sonore de notre histoire, celle des damnés de la terre, taillables et corvéables à merci depuis cinq siècles. «On peut asservir le corps, l´esprit demeure », debout, sur tous les continents. Voilà ce que nous enseigne, aussi, la musique afro-cubaine, comme ses cousines germaines, le jazz et la samba.

Propos recueillis par Caya Makhélé